© Sandrine PELLET
Le rythme, une trame invisible mais essentielle
Le rythme structure nos vies dès la naissance : battements cardiaques, respiration, bercements, alternance veille-sommeil. Il n’est pas seulement un phénomène biologique ou musical : il constitue aussi une base psychique fondamentale. L’article d’Agnès Lauras-Petit (Rythmes et contenants psychiques, 2009) met en lumière le rôle du rythme comme support du contenant psychique, c’est-à-dire comme enveloppe qui sécurise et permet d’intégrer les expériences.
Cette perspective offre un éclairage particulièrement fécond sur les effets observés avec des pratiques rythmiques corporelles, comme le Brain Ball®, où le jeu rythmique partagé devient un outil thérapeutique, pédagogique et relationnel.
Le contenant psychique : une notion centrale en psychanalyse et en psychomotricité
Introduit par Bion (1962) et enrichi par Anzieu (1985) avec son concept de Moi-peau, le contenant psychique désigne la capacité de l’appareil psychique à accueillir, transformer et donner sens aux vécus émotionnels. Il agit comme une enveloppe protectrice, filtrant les excitations, transformant les émotions brutes et donnant au sujet un sentiment de continuité et de sécurité interne.
En psychomotricité, cette notion est particulièrement mobilisée : le corps, le tonus et le rythme sont envisagés comme des supports concrets de contenance. Ils permettent à l’individu, enfant comme adulte, de trouver un appui pour réguler ses émotions, ses tensions et ses interactions.
Le rythme comme facteur de continuité
Selon Lauras-Petit (2009), le rythme constitue une trame temporelle qui protège contre le chaos et les ruptures. Sa répétition régulière instaure une continuité d’existence. Chez le nourrisson, les rythmes intra-utérins (battements cardiaques, respiration maternelle) ou les bercements sont autant de repères sécurisants.
Le rythme permet aussi d’anticiper, en reliant le présent au passé et au futur. Cette capacité d’anticipation prépare l’émergence de la pensée et du langage. Le rythme agit donc comme une première enveloppe psychique, en amont de la symbolisation.
Rythme et fonction de contenance
La fonction de contenance se manifeste dans l’alternance entre liaison et déliaison, proximité et séparation. Le balancement, la berceuse, les comptines binaires offrent un cadre prévisible qui contient les angoisses et facilite l’apaisement.
Dans certaines pathologies, comme l’autisme, Lauras-Petit note que le rythme peut rester une simple répétition non symbolisable, échouant à jouer son rôle de contenant. À l’inverse, lorsque le rythme est inscrit dans une relation (comme le bercement par un parent ou le jeu partagé), il devient un véritable support d’intégration psychique.
Le rythme comme médiation relationnelle
Le rythme est aussi une clé de l’intersubjectivité. Dès les premiers échanges parents-bébé, les variations rythmiques de la voix, des gestes ou des soins soutiennent l’accordage affectif et la régulation émotionnelle. Stern (1989) parle ainsi des affects de vitalité, produits par ces rythmes partagés.
Cette dimension se prolonge dans la vie sociale : chants, danses, rituels collectifs utilisent le rythme pour renforcer le lien, soutenir la cohésion et partager les émotions.
Le rythme dans la thérapie : cadre, processus et médiation
Dans le champ thérapeutique, le rythme structure le cadre (régularité des séances), soutient le processus (respect des rythmes propres du patient) et devient parfois une médiation centrale (massages, relaxation, jeux rythmiques).
Lauras-Petit illustre comment le rythme, intégré dans la relation thérapeutique, peut contenir l’angoisse, soutenir l’intégration corporelle et favoriser la symbolisation.
Le Brain Ball® : illustration pratique du rythme comme contenant
Le Brain Ball® s’inscrit pleinement dans cette approche. Les exercices rythmiques, basés sur le jonglage et la synchronisation gestuelle, offrent :
- une régularité qui structure le temps et sécurise,
- une alternance entre tension et relâchement, favorisant la régulation tonique et émotionnelle,
- une relation rythmique partagée qui soutient l’accordage et la confiance,
- une expérience de transformation où les gestes deviennent porteurs de sens et de plaisir partagé.
Ainsi, le Brain Ball® peut être compris comme une médiation corporelle et relationnelle qui actualise les fonctions décrites par Lauras-Petit : continuité, contenance, partage.
Conclusion : du rythme au soin psychique
Le travail d’Agnès Lauras-Petit (2009) rappelle combien le rythme est essentiel à la construction et au maintien du contenant psychique. Facteur de continuité, de contenance et de partage, il joue un rôle structurant aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte.
Des approches comme le Brain Ball® s’appuient sur ces principes, en mobilisant le rythme corporel pour stimuler la sécurité interne, l’intégration des vécus et la relation à l’autre. Au-delà du jeu, le rythme devient alors une véritable clé thérapeutique et éducative.
En savoir plus
-
Lauras-Petit, A. (2009). Rythmes et contenants psychiques. Champ Psychosomatique, 54(2), 105-126. https://doi.org/10.3917/cpsy.054.0105
-
Bion, W. R. (2023). Learning from experience (Routledge Classics ed.). London: Routledge. https://doi.org/10.4324/9781003411840
-
Anzieu, D. (2013). Le Moi-peau (2e éd.). Paris: Dunod. https://doi.org/10.3917/dunod.anzie.2013.01
-
Stern, D. N. (1989). Le monde interpersonnel du nourrisson. Paris: Presses Universitaires de France.