Glossaire

L’agentivité désigne la capacité d’un individu à initier, orienter et réguler ses actions en fonction de buts qu’il s’approprie, avec le sentiment d’en être l’auteur (sense of agency). L’agentivité n’est pas qu’un « pouvoir d’agir » abstrait : elle articule des processus cognitifs (planification, prise de décision), affectifs (motivation, auto‑efficacité) et sensorimoteurs (contrôle de l’action, retour perceptif). Dans les contextes d’éducation, de prévention santé et surtout de rééducation psychomotrice, l’agentivité explique pourquoi certaines personnes persévèrent, apprennent mieux et généralisent leurs acquis au quotidien. En psychomotricité, elle s’enracine dans la conscience corporelle (proprioceptive, tactile, vestibulaire) qui relie l’intention à l’action volontaire.

 

Définition opérationnelle de l’agentivité pour les pratiques éducatives et cliniques

Au sens opérationnel, l’agentivité est la capacité à se percevoir et à se comporter comme la cause de ses propres actes, à attribuer leurs effets de manière appropriée, et à ajuster ses actions selon le feedback. Cette compétence s’appuie sur :

  • des croyances d’auto‑efficacité (conviction d’être capable de réussir),
  • des fonctions exécutives (inhibition, flexibilité, mise à jour),
  • un monitoring sensorimoteur qui compare ce qui était attendu à ce qui est réellement perçu.

En éducation ou en soins, l’agentivité est intéressant car il soutient l’autonomie, offre des choix réels, donne un feedback informatif et reconnait l’effort stratégique.

 

Agentivité et neurosciences : prédiction sensorimotrice et indices métacognitifs

Sur le plan neurocognitif, l’agentivité renvoie au sentiment d’agent : la conviction d’être à l’origine d’un effet. Deux familles de mécanismes coopèrent :

  • La Prédiction sensorimotrice : le système moteur génère des modèles internes (copie d’efférence) qui anticipent les conséquences d’un geste. Une coïncidence entre prédiction et feedback renforce le sentiment d’agent ; une discordance systématique le réduit.
  • Les Indices métacognitifs : la fluence de sélection, le contrôle perçu, la contiguïté temporelle entre action et effet, ou encore la congruence contexte‑intention participent à l’agentivité.

Les paradigmes expérimentaux de référence incluent l’intentional binding (compression perçue du temps entre action et effet) et l’atténuation sensorielle (réduction de la sensibilité aux sensations auto‑générées). Ces marqueurs se modulent dans certaines conditions cliniques, attestant que l’agentivité est malleable et entraînable.

 

Agentivité en rééducation psychomotrice : de la conscience corporelle à l’action volontaire

En psychomotricité, l’agentivité se construit à la jonction entre conscience corporelle (proprioceptive et tactile), structuration du geste et attribution correcte des effets. Un protocole à cas unique chez un enfant avec trouble du spectre de l’autisme (TSA) illustre cette articulation : en ciblant les dimensions proprioceptive et tactile de la conscience corporelle, la prise en charge a visé l’action volontaire et le lien intention–effet au cœur de l’agentivité (Saitour & Albaret, 2017). Les auteurs montrent l’intérêt de séquences progressives, riches en retours sensoriels contrôlés, pour stabiliser l’initiative motrice, améliorer l’ajustement postural et clarifier l’attribution des résultats à soi.

Enjeux pratiques :

  • Structurer des tâches graduées (de gestes guidés vers des actions auto‑initiées), afin de rendre visible l’effet de l’intention.
  • Privilégier des feedbacks multimodaux (tactile, pression, étirement, repères visuels) qui renforcent le couplage perception–action.
  • Mesurer fréquemment l’initiative et la persistance (micro‑objectifs, journaux d’observation), pour objectiver la montée de l’agentivité.

Limites à garder en tête : le protocole de Saitour & Albaret est un cas unique, ce qui limite la généralisation ; il n’en demeure pas moins pertinent pour éclairer la manière dont la proprioception et le toucher soutiennent l’action volontaire et l’agentivité en rééducation psychomotrice.

 

Motivation, apprentissage et agentivité : effets sur l’engagement et la persévérance

L’agentivité alimente la motivation : se vivre auteur de son action accroît la persévérance et la tolérance à l’erreur. Les approches qui soutiennent l’autonomie, la compétence et le lien social renforcent l’agentivité et améliorent engagement, bien‑être et transfert des apprentissages. En rééducation psychomotrice, proposer des défis calibrés en termes de difficulté, du feedback informatif (quoi et comment améliorer), et des choix authentiques (ordre, rythme, matériel) augmente le contrôle perçu et consolide l’auto‑efficacité.

 

 

Les méthodes motrices progressives comme le Brain Ball® : un terrain concret pour entraîner l’agentivité

Les pratiques motrices progressives et multimodales, comme le Brain Ball® (dérivé d’exercices de jonglage, d’anticipation et de coordination), sont propices à l’entraînement de l’agentivité. En effet, elles permettent : 

  • un lien intention–effet très lisible : chaque lancer, rattrapage, ou consigne combinée, produit un feedback immédiat, facilitant l’attribution correcte.
  • une progressivité et une adaptabilité : on peut ajuster le nombre d’objets, la vitesse, l’amplitude et les canaux sensoriels (visuel, tactile, proprioceptif), ce qui maintient la zone proximale de développement.
  • Valorisation des stratégies : on nomme ce qui a permis la réussite (suivi visuel, posture, modulation tonique), renforçant l’auto‑évaluation et l’agentivité.
    Ces principes font écho aux recommandations cliniques issues de la psychomotricité et aux données théoriques sur la prédiction sensorimotrice et la métacognition de l’action.

 

 

Débats et limites : vers des modèles intégratifs de l’agentivité

L’agentivité est pluridisciplinaire et discutée. Le modèle comparateur (centré sur la prédiction sensorimotrice) explique bien certaines illusions et altérations du sentiment d’agent, mais des modèles multifacteurs soulignent le rôle d’indices contextuels, de la fluence décisionnelle et de la métacognition. En psychomotricité, les preuves de cas (comme Saitour & Albaret, 2017) sont prometteuses mais appellent des études contrôlées plus larges. Reconnaître ces limites n’invalide pas la pratique : cela oriente la mise en œuvre (progressivité, mesure régulière) et la recherche.

 

Leviers concrets pour développer l’agentivité en psychomotricité

Levier
Soutenir l’autonomie
Structurer la progression
Feedback informatif
Rendre le corps saillant
Favoriser l’auto‑évaluation
Généraliser
Finalité pour l’agentivité
Accroître le contrôle perçu et l’initiative.
Maintenir la personne en zone proximale (défi sans découragement).
Renforcer le lien intention–action–effet et les stratégies efficaces.
Ancrer l’action volontaire dans des repères proprioceptifs/tactiles.
Développer le monitoring et l’attribution correcte des effets.
Assurer le transfert et la durabilité des acquis.
Mise en œuvre concrète en psychomotricité
Offrir des choix réels (ordre des ateliers, rythme, matériel), expliquer le pourquoi des tâches, recueillir les préférences de la personne/du parent.
Moduler vitesse, nombre d’items, amplitude, complexité cognitive; définir des paliers visibles avec objectifs séance/semaine.
Feedback descriptif (quoi/ comment améliorer), vidéo ralentie, repères concrets (angle, souffle, posture), éviter le jugement global.
Utiliser pressions guidées, élastiques, charges légères, surfaces texturées, marqueurs posturaux; séquences du guidé vers l’auto-initié.
Carnet/fiche séance, checklists, auto‑noting après essai, visionnage et mise en mots des ajustements.
Tâches de vie quotidienne (école, domicile), contrats d’objectifs avec parents/enseignants, mini‑routines à domicile.

 

Conclusion : l’agentivité, boussole de l’action volontaire et de la rééducation

L’agentivité n’est ni un trait figé ni un slogan : c’est un processus dynamique où intention, action et attribution s’alignent. En rééducation psychomotrice, les modalités proprioceptives et tactiles jouent un rôle structurant pour soutenir l’action volontaire, comme l’illustre le protocole de cas rapporté par Saitour & Albaret (2017). Des dispositifs progressifs, multimodaux et évaluables – comme le Brain Ball® – rendent l’agentivité visible, entraînable et transférable aux activités scolaires, sportives et de vie quotidienne. Le chantier scientifique reste ouvert ; la pratique, elle, dispose déjà de repères concrets pour cultiver ce pouvoir d’agir.

Pour aller plus loin :

FAQ sur l’Agentivité

Définition simple de l’agentivité
L’agentivité est la capacité à se vivre comme l’auteur de ses actions et de leurs effets, à choisir, agir et ajuster son comportement grâce au feedback. Elle repose sur l’auto‑efficacité, les fonctions exécutives et un monitoring sensorimoteur qui aligne intention et résultat.
Comment renforcer l’agentivité chez l’enfant ou l’adulte en rééducation ?
Proposer des défis calibrés, des feedbacks informatifs, des choix réels et des repères corporels (proprioceptifs et tactiles) favorise l’agentivité. Les séquences progressives et multimodales (ex. Brain Ball) traduisent l’intention en résultats observables, ce qui nourrit le contrôle perçu et la persévérance.
Existe-t-il des données spécifiques pour les profils TSA en psychomotricité ?
Un protocole à cas unique (Saitour & Albaret, 2017) montre qu’un travail proprioceptif et tactile peut soutenir l’action volontaire et clarifier l’attribution des effets à soi, donc l’agentivité. Cette preuve est préliminaire (un cas), mais elle guide utilement la structuration des séances et justifie des recherches cliniques plus larges.
En quoi des méthodes comme Brain Ball® sont-elles pertinentes pour l’agentivité ?
Parce qu’elles rendent immédiat le lien intention–action–effet, avec des progressions ajustables et des feedbacks clairs. Elles facilitent l’auto‑évaluation, renforcent l’auto‑efficacité et favorisent la généralisation des acquis, en cohérence avec les modèles neuroscientifiques et psychomoteurs de l’agentivité.
Nuage de mots autour de la notion d'Agentivité
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