Définition de la Double tâche
La double tâche désigne une situation dans laquelle une personne doit effectuer simultanément deux activités distinctes, qui mobilisent au moins en partie les mêmes ressources (attention, mémoire de travail, contrôle moteur…).
Au sens large, cela peut combiner :
- deux tâches cognitives (par exemple mémoriser une liste de nombres tout en faisant un calcul mental),
- deux tâches motrices (porter un plateau tout en marchant),
- ou une tâche cognitive et une tâche motrice : c’est ce qu’on appelle la double tâche cognitivo-motrice.
Dans le cadre du Brain Ball et de la prévention des chutes, on s’intéresse surtout à cette double tâche cognitivo-motrice, car elle reflète bien les situations de la vie quotidienne : marcher tout en parlant, descendre les escaliers en discutant, porter des sacs de courses en ouvrant la porte, traverser la rue en surveillant la circulation, etc.
La double tâche met ainsi à l’épreuve la capacité du cerveau à partager et prioriser son attention entre plusieurs éléments, ce qui est essentiel pour rester stable, efficace et autonome.
Comment le cerveau gère la double tâche ?
Lorsqu’une personne réalise une double tâche, son cerveau doit répartir des ressources attentionnelles limitées entre deux activités. Nous ne sommes pas vraiment “multitâches” : le système attentionnel oscille très rapidement d’une tâche à l’autre, priorise certaines informations et en met d’autres au second plan.
Si l’une des tâches est bien automatisée (par exemple marcher sur terrain plat), elle sollicite surtout des réseaux moteurs et sensorimoteurs sous-corticaux, laissant davantage de disponibilité pour une tâche cognitive (compter à rebours, écouter une consigne, prendre une décision). En revanche, dès que les deux tâches exigent des ressources communes – mémoire de travail, inhibition, planification –, le cortex préfrontal est fortement sollicité pour orchestrer l’ensemble, et l’une ou l’autre des performances peut se dégrader.
Le coût de la double tâche : quand les performances chutent
Les chercheurs parlent de coût de la double tâche (dual-task cost) pour désigner la perte de performance observée lorsque deux tâches sont réalisées simultanément plutôt que séparément. Ce coût peut se traduire par une marche plus lente et moins stable, des trajectoires moins précises, des erreurs plus fréquentes, ou un temps de réponse allongé. Il reflète les limites structurelles de notre système attentionnel : à certains moments, le cerveau fonctionne comme un goulot d’étranglement (bottleneck) et ne peut pas traiter deux opérations centrales en parallèle (par exemple, sélectionner une réponse ou inhiber un geste). Plus les tâches partagent les mêmes ressources exécutives, plus ce coût de double tâche augmente. Chez les seniors ou les personnes présentant des troubles neurologiques, ce coût peut devenir un marqueur de fragilité, notamment pour la marche et le contrôle postural.
Pourquoi s’entraîner à la double tâche ?
L’entraînement à la double tâche présente des bénéfices importants pour les individus de tout âge. D’une part, il stimule les fonctions exécutives, ces compétences cognitives de haut niveau qui permettent de planifier, d’inhiber les distractions et de s’adapter à des situations complexes. D’autre part, il renforce la coordination entre le corps et l’esprit, essentielle pour des activités de la vie quotidienne, comme marcher en tenant une conversation ou conduire en réfléchissant à un itinéraire.
• Pour les seniors
Chez les seniors, la pratique régulière d’activités en double tâche s’avère particulièrement bénéfique. En effet, le déclin cognitif lié à l’âge peut affecter la capacité à gérer plusieurs tâches à la fois, augmentant ainsi les risques de chutes ou de confusion dans des situations du quotidien. Lorsqu’on mesure la marche en double tâche (par exemple marcher en comptant à rebours), on observe souvent une augmentation du coût de double tâche : la vitesse diminue, la variabilité des pas augmente, la trajectoire devient moins stable, ce qui est associé à un risque de chute plus élevé.
Des études et revues systématiques montrent qu’un entraînement structuré en double tâche cognitivo-motrice peut améliorer ces performances, renforcer les fonctions exécutives et réduire le risque de chute chez les personnes âgées vivant à domicile (Wollesen & Voelcker-Rehage, 2013).
> Pour une vision globale, voir aussi notre article : Prévention des chutes : le guide complet
• Pour les enfants
L’entraînement à la double tâche aide à développer des compétences essentielles telles que l’attention partagée, la mémoire de travail et la flexibilité mentale. Cela est particulièrement pertinent pour les enfants présentant des troubles du neurodéveloppement, comme le TDAH ou les troubles du spectre autistique, où ces compétences peuvent être moins développées.
• Pour les sportifs ou les musiciens par exemple
Les sportifs et les musiciens, quant à eux, bénéficient également de l’entraînement en double tâche. Les sports collectifs, par exemple, exigent souvent de jongler entre des décisions stratégiques et des mouvements précis sous pression. De même, un musicien doit coordonner son jeu instrumental avec l’écoute d’autres musiciens ou suivre une partition tout en exécutant des gestes complexes.
La double tâche et la méthode Brain Ball
La pratique du Brain Ball constitue un entraînement idéal pour développer la double tâche et l’attention partagée. Chaque exercice mobilise simultanément plusieurs fonctions cognitives et motrices, sollicitant ainsi le cerveau de manière complète et dynamique.
Lors d’une séance, le participant est constamment confronté à des stimuli variés, qu’ils soient auditifs, visuels ou tactiles. Par exemple, il doit être attentif au rythme régulier du métronome, une stimulation auditive essentielle pour maintenir la cadence des mouvements. En parallèle, il observe les balles qui lui arrivent, évalue leur vitesse, leur trajectoire et leur taille, des éléments qui mobilisent les capacités de perception visuelle et d’anticipation. À cela s’ajoute la composante tactile, car il doit ressentir la balle au moment où elle entre en contact avec sa main, ajuster sa prise et coordonner la gestuelle avec précision.
Ces stimuli combinés exigent une réponse rapide et coordonnée, tout en maintenant un niveau élevé d’attention partagée. Le participant doit jongler entre plusieurs informations sensorielles et y répondre efficacement, renforçant ainsi les connexions entre le cortex sensoriel, le cortex moteur et le cortex préfrontal, qui sont impliqués dans l’organisation et l’exécution des actions.
En pratique, la méthode Brain Ball permet de moduler finement le coût de la double tâche :
- en ajustant la complexité motrice (distance, type de lancer, posture, ajout de déplacements),
- en jouant sur la tâche cognitive (inhiber des stimuli, changer de règle en cours d’exercice),
- en contrôlant le tempo (battements/minute) et le niveau de stimulation sensorielle.
Cette progressivité permet d’adapter l’entraînement en double tâche cognitivo-motrice à différents publics (seniors, enfants, patients en rééducation, sportifs), tout en respectant les principes de sécurité, de réussite progressive et de transfert vers les gestes du quotidien.
Conclusion
La double tâche est bien plus qu’une simple capacité : c’est une compétence clé qui reflète la complexité et la plasticité de notre cerveau. Elle met en lumière le coût de la double tâche, c’est-à-dire la manière dont notre attention et nos fonctions exécutives sont sollicitées lorsqu’il faut gérer plusieurs actions à la fois.
Grâce à des méthodes comme le Brain Ball, il est possible de s’entraîner à la double tâche cognitivo-motrice de manière ludique et accessible, tout en répondant aux besoins spécifiques de populations variées : prévention des chutes chez les seniors, soutien aux apprentissages chez les enfants, optimisation de la performance et de la prise de décision pour les sportifs et les musiciens.
En savoir plus
- Gao, Y., & Liu, N. (2025). Effectiveness of cognitive-motor dual task training in preventing falls in community older adults : A meta-analysis and systematic review. Geriatric Nursing, 103366. https://doi.org/10.1016/j.gerinurse.2025.05.005
- Baddeley, A. D. (1996). Exploring the central executive. The Quarterly Journal of Experimental Psychology, 49(1), 5-28. https://doi.org/10.1080/713755608
- Wollesen, B., Voelcker-Rehage, C. Training effects on motor–cognitive dual-task performance in older adults. Eur Rev Aging Phys Act 11, 5–24 (2014). https://doi.org/10.1007/s11556-013-0122-z
FAQ
Qu’est-ce que la double tâche en neurosciences ?
La double tâche désigne une situation où une personne doit effectuer deux activités simultanément, mobilisant ainsi plusieurs ressources cognitives. Elle est souvent utilisée dans les tests neuropsychologiques pour évaluer l’attention partagée, les capacités d’inhibition ou encore la mémoire de travail. En contexte clinique, cela permet d’identifier des troubles cognitifs discrets. Par exemple, marcher tout en récitant une liste de mots fait appel à cette compétence.
Pourquoi la double tâche est-elle utilisée dans les bilans cognitifs ?
Elle permet de détecter des déficits cognitifs qui ne sont pas visibles lors d’activités simples. En sursollicitant les fonctions exécutives du cerveau, la double tâche met en évidence des difficultés d’attention, de coordination ou de flexibilité mentale. C’est un outil précieux dans l’évaluation des troubles neurologiques, notamment chez les personnes âgées ou après un traumatisme crânien. Elle est également utile pour mesurer la récupération après une rééducation cognitive.
Quels types de tests incluent une double tâche ?
Les tests de double tâche peuvent combiner des actions motrices (comme marcher ou dessiner) avec des tâches verbales ou mentales (comme compter à rebours ou réciter des mots). Un exemple courant est le « dual-task gait test », qui évalue la marche en effectuant une tâche cognitive simultanée. D’autres versions sont utilisées dans les jeux cognitifs ou les entraînements de type Brain Ball. Ces tests s’adaptent selon l’âge et le profil cognitif du patient.
Quels sont les bénéfices d’entraîner la double tâche ?
S’entraîner à effectuer deux tâches à la fois améliore la flexibilité mentale et la coordination. Cela peut renforcer les capacités d’attention partagée, utiles dans la vie quotidienne (par exemple, conduire en parlant ou cuisiner en suivant une recette). Chez les sportifs, l’entraînement en double tâche améliore les réflexes et la prise de décision sous pression. De plus, dans un cadre thérapeutique, il favorise la plasticité cérébrale.








