Glossaire

Graphothérapie : définition et objectifs

La graphothérapie regroupe des interventions qui visent à améliorer la lisibilité, la fluence et le confort de l’écriture manuscrite. Elle concerne des enfants, adolescents et adultes présentant une dysgraphie, une lenteur excessive, des douleurs à l’écriture ou des difficultés d’automatisation. L’enjeu est fonctionnel : atteindre une écriture suffisamment lisible et rapide pour répondre aux exigences scolaires ou professionnelles, tout en réduisant la charge motrice afin de libérer des ressources attentionnelles pour l’orthographe et la production écrite.

 

Mécanismes travaillés en graphothérapie

Pour gagner en efficacité, la graphothérapie agit simultanément sur plusieurs boucles sensorimotrices et sur l’ergonomie du geste. Chaque levier contribue à alléger l’effort, à stabiliser le tracé et à installer l’automatisation.

  • Préparation corporelle et tonique : mobilité épaule-coude-poignet, dissociations doigts/poignet, relâchement des co-contractions.
  • Boucles sensorimotrices : coordination visuo-motrice, proprioception, modulation de la pression sur l’outil ; reprise des tracés de base (boucles, ponts, diagonales).
  • Automatisation des allographes : formation des lettres, enchaînements, tailles/espacements, gestion des liaisons en cursive.
  • Ergonomie : prise de crayon, posture, inclinaison du support, choix outil/papier pour limiter douleur et fatigue.
  • Stratégies cognitives : segmentation du geste, repères rythmiques, feedback immédiat, auto-évaluation de la lisibilité.

 

Cadre en France et articulation pluridisciplinaire

Sur le plan institutionnel, la graphothérapie n’est pas une profession de santé réglementée. Le repérage et l’intervention s’inscrivent dans un parcours coordonné associant, selon les besoins, ergothérapie, psychomotricité, orthophonie, orthoptie et suivi médical.
Les référentiels publics insistent sur une approche graduée, l’adaptation scolaire (lignages, tiers-temps, consignes fractionnées) et la coordination famille-école. La graphothérapie peut s’articuler à ces prises en charge lorsqu’elle adopte des méthodes structurées, des objectifs mesurables et des critères de progression partagés.

 

Pionniers et jalons historiques de la graphothérapie

L’histoire de la prise en charge de l’écriture s’est construite à l’interface de la neuro-psychiatrie, de la psychomotricité et des sciences de l’éducation. Quelques jalons ont particulièrement structuré les pratiques d’évaluation et de rééducation.

  • Julian de Ajuriaguerra (avec Mireille Auzias, André Denner et collaborateurs) formalise, dans les années 1960, des approches cliniques et des échelles de dysgraphie.
  • Hélène de Gobineau contribue à la définition des critères cliniques de la dysgraphie utilisés dans les échelles historiques en France.
  • Liesbeth Hamstra-Bletz et A. W. Blöte développent la BHK (Concise Assessment Scale for Children’s Handwriting), devenue un outil international de mesure de la qualité et de la vitesse.
  • L’adaptation française du BHK par Maët Charles, Régis Soppelsa et Jean-Michel Albaret (ECPA, 2004) diffuse un protocole standardisé et étalonné en milieu scolaire francophone.
  • En pédagogie, Danièle Dumont (méthode Le geste d’écriture) influence fortement les pratiques ; sa diffusion est large, mais les preuves comparatives restent à documenter de façon rigoureuse.
  • Plus récemment, des cliniciens-chercheurs (p. ex. Jean-Michel Albaret, Marie-Laure Kaiser, Michèle Mazeau) ont structuré des repères cliniques et des ouvrages de référence sur les troubles de l’écriture.

 

Ce que montre la recherche

La littérature internationale distingue clairement la rééducation de l’écriture (enseignement/entraînement du geste et des conventions graphiques) de la graphologie (interprétation de la personnalité), cette dernière étant non validée scientifiquement. À l’inverse, des programmes structurés d’enseignement de l’écriture (progression des tracés, pratique guidée, feedbacks, individualisation, parfois outils numériques) montrent des effets positifs sur la lisibilité, la fluence et, dans certains cas, la qualité des textes. En pratique, une graphothérapie alignée sur ces principes est plus susceptible d’être efficace.

 

Évaluation et indications

Avant toute prise en charge, un bilan initial analyse la posture, la tenue, la pression, la qualité des tracés, la vitesse (compatibilité avec les demandes scolaires), la douleur et la fatigue, ainsi que l’impact sur la copie ou la prise de notes. Les indications fréquentes sont la dysgraphie, le trouble développemental de la coordination (TDC), certaines situations de TDAH ou de retard d’automatisation. Des objectifs mesurables sont définis (ex. lettres/minute, baisse de la douleur, diminution des ratures), avec réévaluation périodique et adaptation d’aménagements scolaires.

 

Limites, controverses et précautions

Dans un objectif de qualité et d’éthique, plusieurs points de vigilance doivent guider la pratique et l’information des familles.

  • Ne pas confondre avec la graphologie, discipline non validée pour l’évaluation de la personnalité.
  • Hétérogénéité des pratiques : toutes les interventions se réclamant de la graphothérapie ne sont pas évaluées ; privilégier des protocoles fondés sur les preuves.
  • Parcours adapté : l’indication de compensations (ex. ordinateur) peut s’imposer lorsque la lisibilité/fluence reste insuffisante à court terme, afin de sécuriser les apprentissages.
  • Coordination indispensable : la communication entre famille, école et professionnels conditionne l’efficacité et la pérennité des progrès.

 

Conseils pour choisir un professionnel

Le choix d’un accompagnement de qualité repose sur quelques critères simples, qui rendent la progression visible et objectivable.

  • Exiger un bilan structuré et des objectifs mesurables.
  • Vérifier l’articulation avec l’école et, si besoin, avec des professionnels de santé reconnus.
  • Demander une progression claire (contenus, fréquence, durée estimée), des indicateurs de suivi et des adaptations concrètes (outil, posture, supports).
  • Privilégier des pratiques explicites (modélisation, pratique guidée, feedback, rythme) plutôt que des approches intuitives ou non étayées.

Pour aller plus loin :

  • Ajuriaguerra, J. de, & Auzias, M. (1990). L’écriture de l’enfant. Tome 2 : La rééducation de l’écriture (4e éd.). Delachaux & Niestlé.

  • Charles, M., Soppelsa, R., & Albaret, J.-M. (2004). BHK : Échelle d’évaluation rapide de l’écriture chez l’enfant. ECPA/Pearson.

  • Santangelo, T., & Graham, S. (2016). A comprehensive meta-analysis of handwriting instruction. Educational Psychology Review, 28, 225–265. https://doi.org/10.1007/s10648-015-9335-1

  • Engel-Yeger, C., Lillie, K., Zurawski, S., & Travers, B. G. (2018). Curriculum-based handwriting programs: A systematic review with effect sizes. American Journal of Occupational Therapy, 72(3), 7203205010p1–7203205010p8. https://doi.org/10.5014/ajot.2018.027110

  • López-Escribano, C., Martín-Babarro, J., & Pérez-López, R. (2022). Promoting handwriting fluency for preschool and elementary-age students: Meta-analysis and meta-synthesis of research from 2000 to 2020. Frontiers in Psychology, 13, 841573. https://doi.org/10.3389/fpsyg.2022.841573

FAQ sur la Graphothérapie

La graphothérapie est-elle efficace ?
Les meilleures preuves concernent des programmes structurés d’enseignement/entraînement de l’écriture qui améliorent lisibilité et fluence, parfois la qualité rédactionnelle. Une graphothérapie adoptant ces principes (progressivité, feedback, individualisation, objectifs mesurables) maximise les chances d’efficacité. À l’inverse, les démarches non étayées ou confondues avec la graphologie sont à éviter.
Quelle différence entre graphothérapie, ergothérapie et psychomotricité ?
La graphothérapie se concentre sur la rééducation de l’écriture manuscrite ; l’ergothérapie cible les fonctions et activités impactées (dont l’écriture) et l’aménagement de l’environnement ; la psychomotricité travaille la motricité globale et fine, le tonus, les ajustements posturaux et la régulation. Selon le profil, une prise en charge coordonnée peut être pertinente pour traiter à la fois le geste, la posture et le contexte.
Combien de temps pour observer des progrès ?
La lisibilité et le confort peuvent s’améliorer en quelques semaines avec une fréquence suffisante et des exercices ciblés ; l’automatisation de la fluence demande souvent plusieurs mois. La présence d’un TDAH ou d’un trouble développemental de la coordination peut allonger la durée et justifier des aménagements précoces en classe.
Que faire si l’écriture reste illisible ?
L’objectif est fonctionnel : permettre d’apprendre et d’évaluer. Si la lisibilité/fluence progresse trop peu, l’usage du clavier et d’outils de compensation peut être mis en place, sans renoncer au travail graphomoteur. Ces adaptations réduisent la charge motrice et sécurisent le parcours scolaire.
Nuage de mots autour de la notion de Graphothérapie
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