© Sandrine PELLET
Le Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA) se caractérise, selon le DSM-5, par deux grands axes symptomatiques : des difficultés dans la communication et les interactions sociales, ainsi que des comportements restreints et répétitifs.
Dans cet article, nous nous penchons plus spécifiquement sur la relation entre autisme et communication, et sur les bénéfices que peut offrir la pratique du Brain Ball pour soutenir les habiletés sociales.
Les bases de la communication chez l’enfant
La communication humaine repose sur des compétences socles, présentes dès les premiers mois de vie. Ces compétences, dites prérequis à la communication, sont multimodales et évolutives. Elles permettent le développement harmonieux des échanges sociaux. Chez les personnes ayant un TSA, certaines de ces compétences peuvent être altérées. Tour d’horizon de ces compétences essentielles.
• Le regard et l’attention visuelle
Dès la naissance, le regard soutient les interactions et l’expression des émotions. Il permet aussi la poursuite visuelle des objets et des personnes en mouvement, base de l’attention visuelle.
L’orthophoniste Gloria Laxer (1997) a mis en évidence une fragilité de cette attention chez les personnes autistes, souvent liée à une préférence pour la vision périphérique au détriment de la vision centrale. Cela impacte :
– La perception visuelle (qu’est-ce que je vois ?)
– La localisation spatiale
– La coordination visuo-motrice (organiser un mouvement en fonction de ce que l’on voit)
• L’attention auditive
Elle permet de réagir à un bruit, de chercher son origine, et de s’orienter vers la source. Cette capacité est indispensable pour initier un échange. Elle participe aussi à la structuration temporelle, en aidant à discriminer et reproduire les rythmes.
• L’attention conjointe
Définie par Bastier (2019) comme « la faculté et l’intention de partager un fait avec une autre personne en attirant son attention », l’attention conjointe se développe entre 9 mois et 2 ans. Elle dépend de :
– l’imitation
– le pointage
– les capacités visuelles
Ces trois éléments sont souvent impactés chez les personnes ayant un TSA.
• Le pointage
Apparaissant vers 10 mois, le pointage (avec le doigt, la tête, ou le regard) permet de partager un événement (proto-déclaratif) ou exprimer un besoin (proto-impératif). Chez les personnes autistes, le pointage proto-déclaratif est plus souvent affecté.
• Le tour de rôle
Le tour de rôle, qu’il soit initié ou maintenu, alterne des phases d’attention à l’autre et d’action personnelle. Il constitue un socle essentiel pour le développement des habiletés sociales et de la communication. Chez certaines personnes avec un TSA, ce tour de rôle peut être initié facilement, mais l’imitation et l’ajustement à l’autre restent souvent plus difficiles à mettre en œuvre.
• L’imitation
Qu’elle soit verbale ou motrice, synchrone ou différée, l’imitation facilite la communication et les apprentissages. Elle repose sur l’attention visuelle et le tour de rôle. Des troubles de l’imitation peuvent affecter :
– les expressions faciales
– l’exploration manuelle
– la motricité global
– le schéma corporel (Girardot et al., 2009)
Autisme et communication : le rôle des activités ludiques
Lors d’activités ludiques, la personne ayant un TSA entre plus facilement en interaction avec autrui, que ce soit par la communication verbale et non verbale, la motricité ou le regard.
Ces situations favorisent l’émergence spontanée des prérequis à la communication, tels que l’attention conjointe, l’imitation ou encore les échanges de regards. Le tour de rôle devient également plus accessible, car il prend tout son sens dans une action partagée : il faut l’autre pour « faire ».
En effet, de manière générale, l’enfant présentant un TSA a tendance à s’enfermer dans des activités solitaires, répétitives et pauvres en exploration. C’est pourquoi une activité ludique, structurée dans le temps et l’espace, avec des consignes prévisibles et claires, offre un environnement sécurisant, favorable à son engagement dans l’atelier.
Pour cela, des éléments issus de la méthode TEACCH peuvent être mobilisés : préparer la salle en amont, créer un planning visuel des activités, formuler des consignes verbales simples ou proposer des consignes par imitation, et instaurer des routines. Tous ces éléments favorisent l’interaction.
Les activités ludiques participent à un développement psychomoteur harmonieux puisqu’elles proposent des instants propices :
- à l’exploration de la motricité fine et globale,
- aux interactions avec les pairs et à la communication
- aux aptitudes cognitives dont la résolution de problèmes et de flexibilité
- aux compétences sociales
- au renforcement de l’estime de soi
- au sentiment d’appartenance à un groupe
- à l’attention conjointe
Les activités ludiques sont donc une bonne porte d’entrée pour travailler la communication et les interactions des personnes ayant un TSA.
Le Brain Ball, un outil stimulant pour la communication chez les personnes autistes
La pratique du Brain Ball, encadrée par nos animateurs certifiés, constitue un outil complet.
En plus de solliciter le schéma corporel, les fonctions motrices globales et fines ainsi que les fonctions cognitives, les exercices proposés soutiennent activement la communication et les habiletés sociales.
Dans le champ de la communication, tous les prérequis doivent être mobilisés par le participant pour réussir à jongler avec un ou plusieurs partenaires, en s’appuyant sur les rythmes proposés. L’aspect ludique de la pratique facilite notamment l’utilisation du regard de façon plus focale, en direction d’autrui, surtout lorsque cette attention est guidée par les conseils de l’animateur Brain Ball. L’attention visuelle est ainsi renforcée, les distracteurs environnementaux étant exclus du champ de vision. Des échanges de regards entre participants peuvent également émerger, notamment dans les moments de joie et de rires partagés.
Le pointage et l’attention conjointe s’avèrent indispensables pour comprendre les trajectoires des engins, interpréter les explications liées aux réussites ou difficultés rencontrées lors des ateliers, ou encore observer les autres participants pendant les temps d’attente. Grâce au caractère ludique des exercices, la motivation à s’engager dans ces activités est naturellement entretenue.
L’imitation vient appuyer les consignes verbales pour en faciliter la compréhension, tout en favorisant la cohésion et la synchronisation au sein du duo ou du groupe. Cette imitation invite à observer l’autre, à le prendre en compte, et à développer un intérêt pour l’interaction sociale, renforçant ainsi le sentiment d’appartenance à un collectif.
Le tour de rôle, indispensable aux exercices de Brain Ball, est facilité par le caractère ludique de la pratique et par la présence des engins qui servent de tiers médiateurs. C’est en effet la balle ou l’anneau qui impose naturellement le tour de rôle, et non plus la seule consigne de l’animateur. Lors des exercices collectifs, il est frappant de constater que chacun attend son tour, conscient que la réussite dépend de la position et de la rythmicité de tous. L’enjeu commun de réussir le défi devient ainsi un levier puissant pour maintenir le respect du tour de rôle.
L’attention auditive, essentielle pour synchroniser les échanges avec les rythmes, est également pleinement sollicitée dans la pratique du Brain Ball. Les participants doivent être attentifs aux variations rythmiques des musiques, les reproduire, s’y familiariser tout en restant en mouvement, et apprendre à inhiber les autres stimuli sonores. La musique devient ainsi un soutien fondamental aux bases du langage et de la communication.
Ces éléments offrent un aperçu des bénéfices du Brain Ball pour renforcer la relation avec les personnes présentant un TSA. L’estime de soi et le sentiment d’appartenance à un groupe ou à une relation duelle, qui émergent au fil des ateliers, peuvent constituer de puissants leviers pour favoriser la communication au quotidien.
Conclusion : renforcer la communication en cas d’autisme grâce à des approches globales et ludiques
Travailler la communication chez les personnes autistes implique d’agir sur de nombreux leviers à la fois sensoriels, moteurs, cognitifs et sociaux. Pour être efficace, cette approche doit être positive, engageante et adaptée aux spécificités de chacun. Les activités ludiques, structurées, rythmées et collectives constituent une porte d’entrée précieuse pour mobiliser les compétences clés de l’échange : regard, imitation, attention conjointe, tour de rôle ou encore attention auditive.
Dans cette perspective, la méthode Brain Ball représente un outil particulièrement pertinent. Grâce à ses exercices dynamiques et joyeux, elle favorise l’engagement des participants, soutient les prérequis à la communication et renforce l’estime de soi ainsi que le sentiment d’appartenance. En mobilisant l’ensemble de ces dimensions, le Brain Ball contribue à enrichir les interactions sociales des personnes avec un TSA, aussi bien pendant les ateliers qu’au quotidien.
En savoir plus
Bastier, C. (2019). Chapitre 3. L’attention conjointe. Faciliter la communication et le développement sensoriel des personnes avec autisme Guide d’activités pratiques (p. 75-80). Dunod. https://shs.cairn.info/faciliter-la-communication-et-le-developpement–9782100796311-page-75?lang=fr.
GIRARDOT A.M., DE MARTINO S., REY V., POINSO F. (2009) étude des relations entre imitation, interaction sociale et attention conjointe chez les enfants autistes, Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, vol.57 p.267-274
FAQ
Quelles sont les principales difficultés de communication chez les personnes ayant un TSA ?
Les personnes avec un trouble du spectre de l’autisme peuvent présenter des difficultés à établir un contact visuel, à utiliser les gestes sociaux (comme le pointage), à initier ou maintenir une conversation, ou encore à comprendre les intentions d’autrui. Ces difficultés varient selon les individus, mais elles affectent souvent la qualité des interactions sociales et la capacité à se faire comprendre. Ces troubles peuvent être compensés par des approches individualisées et des médiations adaptées, comme des supports visuels ou des activités ludiques structurées.
Pourquoi les compétences socles du langage sont-elles essentielles dans le développement de la communication ?
Les compétences socles, comme le regard, l’attention conjointe, l’imitation ou le tour de rôle, sont les fondations sur lesquelles repose toute communication. Elles se développent dès les premiers mois de la vie et permettent à l’enfant de comprendre les interactions, d’exprimer ses besoins et d’entrer en relation avec les autres. Lorsqu’elles sont altérées, comme c’est souvent le cas dans le TSA, il devient crucial de les renforcer par des médiations adaptées pour favoriser l’émergence du langage et des habiletés sociales.
Comment les activités ludiques aident-elles à renforcer la communication chez les enfants autistes ?
Le jeu crée un environnement motivant et sécurisant où l’enfant peut explorer, imiter et interagir avec plaisir. Il favorise l’engagement actif dans la relation, la prise de tour, l’attention conjointe et l’expression des émotions. Les activités ludiques bien encadrées permettent également de structurer les temps d’échange, de travailler la régulation émotionnelle et de développer des compétences sociales fondamentales dans un contexte porteur de sens et de plaisir.
En quoi la méthode Brain Ball est-elle adaptée pour soutenir la communication des personnes avec autisme ?
La méthode Brain Ball combine mouvement, rythme, regard et coordination, ce qui mobilise naturellement les prérequis à la communication. En manipulant des balles ou des anneaux en binôme ou en groupe, les participants sont amenés à observer, imiter, écouter et attendre leur tour, dans une ambiance joyeuse et cadrée. Cela favorise les interactions spontanées, soutient l’attention partagée et améliore le sentiment d’appartenance. De plus, le plaisir du jeu diminue l’anxiété et favorise l’engagement dans la relation.