Le mouvement et les routines motrices permettraient de mieux appréhender la temporalité

par | Jan 2023 | Développement moteur, Neurosciences

Les routines motrices pourraient aider notre corps, et tout particulièrement notre cerveau, à se situer dans le temps. Cette nouvelle découverte, pour le moment réalisée sur les animaux, devrait être rapidement projetée sur les capacités cérébrales humaines. Et si, chez les humains aussi, la notion de temps pouvait être une affaire de mouvement ?

Routine, mouvement et perception du temps chez les animaux

Les scientifiques continuent à explorer le lien entre notre cerveau et notre capacité à percevoir le temps qui passe. Nos neurones ont-ils le pouvoir de mesurer la temporalité, lorsque nous ne percevons pas d’indice extérieur de durée ? Autrement dit, sans montre, sans horloge et sans lumière du soleil, parviendrait-on à analyser le temps qui passe ?

Oui, nous répond une équipe de chercheurs de l’INSERM… grâce au mouvement !

Un groupe de scientifiques de l’Institut de neurobiologie de la méditerranée (INMED), centre dédié aux neurosciences de pointe à Marseille, a mené une étude sur des rats pour examiner le lien entre perception du temps et mouvement.

Quantifier le temps grâce à un enchaînement de mouvements

Au cours de cette étude, des rats se déplaçaient librement sur un tapis roulant motorisé, et pouvaient obtenir une récompense (une goutte de boisson sucrée) s’ils s’approchaient d’un point précis, après un laps de temps fixe de 7 secondes.

Les chercheurs expliquent dans leur rapport final : « La plupart des animaux ont profité de la longueur du tapis roulant et de son sens de déplacement pour développer, par essais et erreurs, la même routine motrice dont l’exécution entraînait un timing précis de leurs approches de la récompense. ».

Les rats les plus agiles ont en effet compris, après plusieurs essais, qu’ils devaient se laisser porter en arrière, jusqu’à atteindre la fin du tapis roulant, puis le traverser en courant pour parvenir exactement à son extrémité en 7 secondes, et être récompensés.

Les animaux ont donc utilisé des suites de mouvements pour temporaliser leurs actions et percevoir la future récompense au bon moment. Et, plus ils effectuaient cette suite de mouvements, plus ils parvenaient à s’approcher très précisément de cette zone de récompense. Les modulations de vitesse du tapis ou ses arrêts ont démontré que les rats ne décomptaient pas réellement le temps, mais bien qu’ils utilisaient leurs mouvements coordonnés pour percevoir le temps et parvenir à leurs fins.

Quid de cette perception du temps chez l’homme ?

Nous avons tous fait cette expérience : notre perception du temps qui passe est parfois liée à nos actions. Les sujets qui suivent exactement les mêmes routines, chaque jour, disent parvenir à une meilleure temporalité. Les personnes qui prennent le métro matin et soir sans même considérer les arrêts, les agriculteurs qui enchaînent certains travaux ou les ouvriers qui effectuent toujours les mêmes tâches, peuvent l’affirmer : ils sont capables d’évaluer le temps sans objet ou aide extérieure.

Mais ces impressions sont difficilement séparables de nos perceptions sensorielles. Et elles ont  rarement été étudiées en prenant en compte l’impact du mouvement. Sans indice extérieur de temporalité ou de mouvements apparent, notre « horloge interne » est-elle vraiment efficace ?

David ROBBE, directeur de ladite étude, émet l’hypothèse que cette temporalité sans indice extérieur est possible : « Si l’on pense pouvoir compter le temps qui passe assis sur une chaise sans bouger, rien ne dit que l’organisme n’effectue pas des micro-mouvements réguliers non perceptibles et inconscients comme des contractions musculaires pour mieux l’évaluer. […] Un enfant qui compte lors d’un jeu va, par exemple, balancer son corps ou son bras pour s’aider. »

Chez l’être humain, la notion du temps pourrait donc être également une affaire de mouvement !

Une étude porteuse d’espoirs pour de nombreux troubles

Cette nouvelle étude de l’INMED, qui place le mouvement au centre de notre perception temporelle, pourrait avoir un grand intérêt dans la prise en charge de certains troubles comme la maladie de Parkinson, les troubles DYS ou les TDAH. Les études réalisées mettent en évidence un déficit de temporalité chez ces sujets qui pourrait sans doute être comblé par le mouvement.

  • Chez les personnes présentant un trouble TDAH par exemple, de nombreuses études ont mis en évidence des déficits dans les différentes dimensions du timing : timing perceptif, moteur et sensorimoteur. C’est, entre autres choses, cette mauvaise perception temporelle qui occasionne les imprécisions corporelles et qui complique la synchronisation de ces sujets.
  • En ce qui concerne les troubles DYS, nous pouvons rappeler les travaux de Mira Stambak qui démontrait dès 1951 les liens entre les difficultés liées au rythme et la dyslexie.
  • La distorsion de la perception du temps est aussi un symptôme très impactant dans la vie des personnes atteintes de la maladie de Parkinson. La pratique de jeux de coordination incluant des mouvements pourrait améliorer la dysrythmie des sujets, tout en restaurant leur perception temporelle.

Pour toutes ces personnes, le fait de travailler le rythme au travers de routines motrices, et de le faire de façon régulière, pourrait améliorer leur acuité temporelle, tout en les faisant progresser dans leurs gestes et leur précision. La méthode Brain Ball semble un outil de progression idéal, associant progrès moteurs, coordination et travail cérébral.

En savoir plus

Safaie M, Jurado-Parras MT, Sarno S, et al. Turning the body into a clock: Accurate timing is facilitated by simple stereotyped interactions with the environment. PNAS. (2020). https://doi.org/10.1073/pnas.1921226117

Gaubert, C. ( 2020). L’horloge interne serait basée sur le mouvement. Revue Sciences et Avenir

Stambak, M. Le problème du rythme dans le développement de l’enfant et dans les dyslexies d’évolution. Enfance, tome 4, n°5, 1951. L’apprentissage de la lecture et ses troubles. pp. 480-502. https://doi.org/10.3406/enfan.1951.1202

INSERM (2020). Le temps qui passe, une notion associée au mouvement et à l’environnement

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