Qu’est-ce que la cognition incarnée ?
La notion de cognition incarnée (ou embodied cognition en anglais) désigne l’idée que nos processus cognitifs – comme la perception, la mémoire, le langage ou le raisonnement – ne sont pas uniquement localisés dans le cerveau, mais profondément enracinés dans le corps et ses interactions avec l’environnement. Contrairement à la conception classique qui dissocie le corps et l’esprit, la cognition incarnée affirme que la pensée est influencée par notre posture, nos gestes, nos émotions et même notre environnement physique.
Cette approche repose sur des découvertes en neurosciences, en psychologie cognitive et en philosophie de l’esprit. Elle remet en question l’idée selon laquelle la cognition fonctionnerait comme un traitement symbolique abstrait, indépendant de l’expérience sensorimotrice.
Une rupture avec la vision classique de l’esprit
Dans les années 1970 et 1980, la vision dominante dans les sciences cognitives était celle du cerveau comme un « ordinateur », traitant l’information à partir d’entrées sensorielles et produisant des sorties comportementales. Cette métaphore computationnelle a largement ignoré le rôle du corps dans les processus mentaux.
La cognition incarnée, en revanche, affirme que le corps n’est pas un simple support périphérique. Il participe activement à la construction des représentations mentales. Ainsi, comprendre ou penser une action, par exemple, mobilise les mêmes zones du cerveau que celles impliquées dans l’exécution de cette action. Cela a notamment été démontré avec la découverte des neurones miroirs chez les primates et chez l’être humain.
Quelques exemples concrets de cognition incarnée
Les implications de la cognition incarnée sont nombreuses dans la vie quotidienne :
- Langage et gestes : De nombreuses études ont montré que l’association entre le langage et le geste favorise la compréhension et la mémorisation des concepts. Cette approche, typique de la pédagogie par le mouvement, est utilisée spontanément par de nombreux enseignants pour renforcer l’impact de leur enseignement.
- Apprentissage moteur et cognitif : apprendre en bougeant – par exemple en associant des mouvements à des notions abstraites – facilite l’encodage en mémoire et renforce l’attention.
- Perception spatiale : notre perception de l’espace dépend de notre capacité à nous y déplacer. Un objet peut sembler plus éloigné si l’on porte une charge lourde, car le corps anticipe la difficulté du déplacement.
- Émotion et posture : des postures corporelles influencent les états émotionnels et cognitifs. Adopter une posture d’ouverture peut améliorer la confiance en soi et la prise de décision.
Applications éducatives et thérapeutiques
La cognition incarnée est aujourd’hui un fondement théorique pour de nombreuses approches pédagogiques et thérapeutiques.
Dans le champ de l’éducation, elle a inspiré des méthodes d’enseignement qui intègrent le mouvement, comme la pédagogie par le jeu ou les pauses actives. Chez les enfants, associer gestes et apprentissage favorise la mémorisation, la concentration et l’engagement.
En rééducation cognitive ou physique, la cognition incarnée soutient l’idée que le mouvement peut stimuler les capacités cognitives. Cela se traduit par l’usage de la danse, de la coordination motrice ou de l’équilibre dans des programmes de stimulation destinés aux personnes âgées, aux patients souffrant de troubles neurologiques ou à des publics en situation de handicap.
La Cognition incarnée : une base théorique pour le Brain Ball®
La méthode Brain Ball s’inscrit pleinement dans cette perspective. Elle repose sur la coordination entre corps et esprit, mobilise des jeux rythmiques et des mouvements croisés, et cherche à stimuler simultanément les fonctions motrices et cognitives. Chaque séance engage le corps de façon active pour renforcer l’attention, la mémoire de travail, l’inhibition ou la planification – des fonctions exécutives clés dans le quotidien.
Le lien entre action et cognition, mis en lumière par la théorie de la cognition incarnée, justifie l’efficacité de telles approches dans des contextes de prévention, d’apprentissage ou de maintien des capacités.
Limites et débats scientifiques
Si la cognition incarnée est de plus en plus étudiée, elle ne fait pas l’unanimité. Certains chercheurs estiment que ses principes sont difficiles à prouver empiriquement ou qu’ils ne s’appliquent pas à toutes les formes de pensée (comme les raisonnements purement abstraits).
D’autres défendent une version « modérée », qui reconnaît l’importance du corps, sans nier le rôle central du cerveau. La question reste ouverte : dans quelle mesure nos fonctions cognitives dépendent-elles vraiment de notre expérience sensorimotrice ?
Pour aller plus loin :
- Barsalou, L. W. (2008). Grounded cognition. Annual Review of Psychology, 59, 617–645. https://doi.org/10.1146/annurev.psych.59.103006.093639
- Glenberg, A. M. (2010). Embodiment as a unifying perspective for psychology. Wiley Interdisciplinary Reviews: Cognitive Science, 1(4), 586–596. https://doi.org/10.1002/wcs.55
- Rizzolatti, G., & Craighero, L. (2004). The mirror-neuron system. Annual Review of Neuroscience, 27, 169–192. https://doi.org/10.1146/annurev.neuro.27.070203.144230
- Wilson, M. (2002). Six views of embodied cognition. Psychonomic Bulletin & Review, 9(4), 625–636. https://doi.org/10.3758/BF03196322
- Varela, F. J., Thompson, E., & Rosch, E. (1991). The Embodied Mind: Cognitive Science and Human Experience. MIT Press.
FAQ
Qu’est-ce que la cognition incarnée en psychologie ?
La cognition incarnée est une théorie qui soutient que la pensée est indissociable du corps et de son interaction avec le monde. Elle affirme que nos capacités mentales sont influencées par nos mouvements, nos sensations, nos émotions et notre posture.
En quoi la cognition incarnée concerne-t-elle l’apprentissage ?
Elle montre que l’apprentissage est plus efficace lorsqu’il implique le corps. Par exemple, les gestes, la manipulation d’objets ou l’engagement moteur facilitent la compréhension et la mémorisation chez l’enfant comme chez l’adulte.
Quels sont les fondements scientifiques de la cognition incarnée ?
Cette théorie s’appuie sur des recherches en neurosciences, notamment la découverte des neurones miroirs, ainsi que sur des études en psychologie cognitive et en philosophie de l’esprit. Elle est soutenue par des données expérimentales issues de l’imagerie cérébrale et de la psychologie du développement.
La cognition incarnée est-elle utilisée dans les thérapies ?
Oui. Elle inspire des approches thérapeutiques qui intègrent le mouvement pour stimuler la cognition, en particulier chez les personnes âgées ou souffrant de troubles neurologiques. Elle est également utilisée dans la rééducation et les programmes de stimulation globale.