La plasticité du schéma corporel est altérée chez les enfants dyspraxiques
Les liens entre schéma corporel et TDC ont une nouvelle fois été explorés par des chercheurs en neurosciences. Leur étude a prouvé une altération du schéma corporel chez les enfants atteints de Trouble développemental de la Coordination (TDC), aussi nommée « dyspraxie ».
Selon ces chercheurs, la plasticité des représentations du corps, différentes chez les enfants dyspraxiques, mérite une nouvelle approche de la part des professionnels de santé et une prise en charge différente. Elle démontre aussi qu’une réactualisation du schéma corporel est possible et qu’elle doit être envisagée le plus tôt possible.
Schéma corporel et image corporelle : de quoi parle-t-on ?
Le schéma corporel et l’image corporelle sont deux représentations qui se complètent et qui nous permettent de prendre conscience de notre corps. Lorsque je tends le bras pour attraper un ballon, je vais évaluer la distance entre ma main et l’objet, calculer approximativement la vitesse de son approche pour refermer mes mains et le saisir au bon moment. Mais tous les sujets ne sont pas capables des mêmes gestes. La précision de leurs actes va dépendre de leur âge, de leur habileté et de nombreux autres facteurs : on cite alors dans ces expériences le schéma corporel et l’image corporelle.
Le schéma corporel se construit au fil des mois chez un tout petit qui va apprendre où se situent chacun de ses membres. Le schéma corporel est le même pour tous les êtres humains puisqu’il s’agit de la représentation physique, physiologique, que nous avons de nous-même. Elle se construit au gré des apprentissages et des expériences, grâce à notre proprioceptionLa proprioception est la capacité de notre corps à percevoir et à comprendre sa position dans l'espace. Elle joue un rôle essentiel dans la coordination de nos mouvements et dans notre équilibre. Grâce à la proprioception, nous pouvons ajuster notre posture, nous déplacer avec précision et interagir efficacement avec notre environnement., nos actions, notre vision… Le schéma corporel est généralement entièrement acquis vers l’âge de 12 ans.
L’image corporelle, en revanche, est une donnée qui évolue tout au long de notre vie. C’est la représentation que nous nous faisons de notre corps, en termes d’image. Elle est influencée par nos sentiments, notre histoire, notre éducation ou encore par les médias.
Dans le Manuel d’enseignement de psychomotricité, Frédérique de Vignemont résume cette distinction de la manière suivante :
Troubles du schéma corporel chez les enfants dyspraxiques
Selon cette récente étude* menée conjointement par plusieurs laboratoires de recherche tournés vers les neurosciences, les personnes dyspraxiques, donc atteintes d’un Trouble développemental de la Coordination, abrégé par le sigle TDC, présenteraient une altération de ce schéma corporel.
Mais comment se manifestent ces troubles ? Les enfants qui présentent un TDC rencontrent au quotidien de nombreuses difficultés pour coordonner leurs mouvements et pour acquérir de nouvelles compétences motrices. Grimper, sauter, dessiner, faire du vélo, écrire ou manger avec des couverts sont des défis de tous les jours.
L’équipe ImpAct du Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon (CNRL), le laboratoire Dynamique du Langage (Lumière Lyon 2) et l’Université italienne de Padoue se sont penchés sur la plasticité des représentations du corps chez les jeunes sujets atteints de TDC, avec l’hypothèse qu’elle était altérée.
L’étude en question
Dans le cadre de cette étude intitulée “Body schema plasticity is altered in Developmental Coordination Disorder”, les équipes de chercheurs ont soumis un groupe de 17 enfants porteurs de TDC à des tests et ont comparé leurs résultats avec ceux d’un groupe d’enfants non porteur de troubles. Ils devaient saisir des objets avec leur main ou avec une pince mécanique mais aussi évaluer la longueur de leur avant-bras. Deux conclusions majeures ont été tirées de ces nombreux tests :
• L’ensemble des enfants des deux groupes ont montré des plasticités similaires concernant leur image corporelle.
• Les enfants porteurs de TDC ne mettaient pas à jour leur schéma corporel de la même façon que les enfants du second groupe. Les chercheurs précisent : « Après avoir utilisé un outil, la cinématique du mouvement de la main est modifiée, mais seulement partiellement. ». Les enfants atteints de TDC jugeaient explicitement leur bras plus court après l’utilisation d’une pince mécanique et ne parvenaient pas à adapter leurs mouvements, et donc à actualiser leur schéma corporel.
Ces travaux prouvent que les enfants atteints de TDC souffrent d’un trouble de la représentation du corps, qui les empêche de planifier et d’exécuter des mouvements, même si leur image corporelle est maîtrisée. Image corporelle et schéma corporel n’interfèrent donc pas de la même façon et seul le second semble être altéré chez ces enfants.
La plasticité du schéma corporel, un espoir pour les patients TDC
Si l’on parle de « plasticité » du schéma corporel, c’est bien parce qu’il peut évoluer, même après l’âge de 12 ans. Des recherches scientifiques antérieures menées chez des enfants et des adolescents atteints de TDC ont démontré que l’estimation de leur corps était plastique et donc bien évolutive.
Au cours de l’étude précitée, les deux groupes d’enfants étaient capables d’améliorer la précision de leurs gestes au fil de la pratique, sans pour autant parvenir aux mêmes résultats finaux.
Grâce à des exercices ciblés et à des entraînements réguliers, le schéma corporel peut être amélioré, complété et réactualisé. Cela est encore plus vrai chez les jeunes sujets mais la plasticité du schéma corporel existe également chez les adultes.
Le Brain Ball, en tant que méthode de jonglage, permet la réactualisation du schéma corporel: en réévaluant de manière incessante les distances entre le corps, la main et les objets manipulés par exemple. D’où l’intérêt d’une pratique régulière.
En savoir plus
Martel, M., Boulenger, V., Koun, E., Finos, L., Farnè, A., & Roy, A. C. (2022). Body schema plasticity is altered in Developmental Coordination Disorder. Neuropsychologia, 166, 108136. https://doi.org/10.1016/j.neuropsychologia.2021.108136
INSERM (2019), Synthèse et recommandations. Trouble développemental de la coordination ou dyspraxie
De Vignemont, F. (2018). Le schéma corporel et l’image corporelle. Dans : Jean-Michel Albaret éd., Manuel d’enseignement de psychomotricité: 4. Sémiologie et nosographies psychomotrices (pp. 204-213). Louvain-la-Neuve: De Boeck Supérieur. https://doi.org/10.3917/dbu.albar.2017.01.0204