Dyslexie : l’entraînement rythmique, un soutien efficace pour renforcer les compétences attentionnelles
La dyslexie est un trouble spécifique du langage écrit qui affecte environ 5% des enfants. Elle se caractérise par des difficultés persistantes en lecture et en écriture. Si les déficits phonologiques et visuo-attentionnels sont bien connus, les recherches récentes pointent également un possible déficit d’attention temporelle.
Yoan Altar a exploré cette piste en étudiant l’impact d’un entraînement rythmique sur les compétences linguistiques et attentionnelles d’enfants dyslexiques. Contrairement aux méthodes traditionnelles de rééducation qui se concentrent sur l’adaptation ou la compensation des difficultés, l’entraînement rythmique pourrait constituer une intervention curative intéressante, permettant de corriger directement les déficits sous-jacents des TSLE.
La Théorie de l’Attention Dynamique (DAT) : Une Explication Cognitive
Proposée par Mari Riess Jones en 1976, la Théorie de l’Attention Dynamique (DAT) postule que l’attention ne fonctionne pas de manière continue mais qu’elle s’organise en cycles rythmiques se synchronisant avec le rythme de l’information à traiter. Le cerveau serait ainsi capable d’anticiper l’apparition d’événements significatifs.
Cette synchronisation permet d’optimiser l’analyse des stimuli et d’extraire les informations pertinentes.
Dans le cadre du langage, cette synchronisation permet de repérer les segments pertinents, comme les syllabes et les mots. En d’autres termes, le cerveau utilise des indices rythmiques dans le discours pour découper le flot de parole en unités compréhensibles. Or, chez les personnes dyslexiques, cette synchronisation pourrait être altérée, rendant difficile la segmentation et l’analyse du signal linguistique.
Le Temporal Sampling Framework (TSF) : Une Approche Neurologique
La Théorie de l’Attention DynamiqueNotre attention ne fonctionne pas de manière continue, mais plutôt par cycles. Ces cycles rythmiques nous permettent d'alterner entre des phases de forte concentration et des phases de repos. Cette flexibilité est essentielle pour traiter efficacement les informations complexes. trouve un écho dans les neurosciences avec la notion d’oscillations cérébrales. Le Temporal Sampling Framework (TSF), proposé par Usha Goswami en 2011, résulte d’un dysfonctionnement des oscillations cérébrales qui régulent l’attention temporelle.
Ces oscillations sont des rythmes neuronaux qui permettent au cerveau de traiter l’information de manière synchronisée. Chez les personnes dyslexiques, ces oscillations seraient déréglées, en particulier les oscillations de basse fréquence, essentielles pour découper les sons du langage en unités significatives.
Ce modèle neurophysiologique souligne l’importance des rythmes cérébraux dans la perception et la production du langage. Ainsi, la difficulté à percevoir et à traiter le rythme du langage pourrait être à l’origine de nombreux problèmes rencontrés par les personnes dyslexiques.
En renforçant les mécanismes cérébraux impliqués dans la perception du rythme, il serait possible d’améliorer leurs compétences linguistiques. C’est sur cette hypothèse que se basent les recherches actuelles sur l’entraînement rythmique chez les personnes dyslexiques.
Les bienfaits de l’entraînement rythmique chez les enfants dyslexiques
Partant de ces théories, des recherches récentes, comme celle de Yoan Altar*, explorent l’idée que l’entraînement rythmique pourrait aider à pallier ce déficit d’attention temporelle. L’étude de Yoan Altar a mesuré l’impact d’un entraînement musical sur les enfants dyslexiques. Son travail démontre que l’entraînement rythmique peut améliorer non seulement les compétences musicales, mais aussi les compétences langagières et attentionnelles des enfants présentant des troubles dys.
L’étude a impliqué des enfants dyslexiques âgés de 8 à 11 ans. Ils ont suivi un programme de 12 séances de formation musicale réparties sur six semaines. Ce programme comprenait des ateliers rythmiques et mélodiques, chacun visant des objectifs spécifiques. Les résultats ont révélé que les enfants ont progressé davantage après les ateliers rythmiques, en particulier en matière de discrimination phonologique, de segmentation syllabique et de lecture.
Les ateliers rythmiques ont également amélioré la concentration et le contrôle de la distractibilité, deux aspects essentiels de l’attention. Ces résultats suggèrent que le travail sur le rythme aide les enfants dyslexiques à mieux synchroniser leur attention avec les stimuli extérieurs, ce qui se traduit par une meilleure performance en lecture et en traitement de la parole.
Le Brain Ball : une application concrète du rythme
Parmi les activités rythmiques qui peuvent être utilisées pour aider les enfants dyslexiques, le Brain Ball constitue une remédiation particulièrement intéressante puisqu’il s’agit d’une activité qui combine le mouvement physique et le rythme. En effet, pendant les séances, les participants doivent échanger, lancer et rattraper les balles au rythme de la musique et du métronome.
En mobilisant à la fois les capacités motrices et attentionnelles, le Brain Ball contribue à renforcer les mécanismes de synchronisation cérébrale. D’autre part, son aspect ludique permet de maintenir l’engagement des enfants, un facteur clé pour obtenir des résultats durables.
Vers une intégration des activités rythmiques dans la rééducation de la dyslexie
L’étude de Y.Altar, bien que pilote, suggère que l’entraînement rythmique pourrait être une méthode efficace pour améliorer les compétences langagières et attentionnelles des enfants dyslexiques. Les résultats encourageants obtenus après seulement six semaines d’entraînement montrent qu’il est possible de renforcer les capacités de traitement du langage grâce à des activités musicales ciblées.
Ces résultats s’inscrivent dans un contexte plus large où la musique et le rythme sont de plus en plus reconnus pour leurs bienfaits cognitifs. Des recherches supplémentaires seront nécessaires pour confirmer ces effets et déterminer les meilleures pratiques pour intégrer ces entraînements dans les programmes de rééducation des enfants dyslexiques. Cependant, les perspectives offertes par l’entraînement rythmique, et en particulier par des activités comme le Brain Ball, sont prometteuses et méritent d’être explorées davantage.
*Altar, Y. (2018). Effets d’un nouvel entraînement musical, rythmique ou mélodique, sur les compétences langagières, attentionnelles et musicales d’enfants dyslexiques. https://bibnum.univ-lyon1.fr/nuxeo/nxfile/default/e0d1c9c2-074d-45b0-8f7b-29f47ba37227/file:content/Mo_2018_ALTAR_Yoan.pdf
En savoir plus
Zalta, A., Petkoski, S. & Morillon, B. Natural rhythms of periodic temporal attention. Nat Commun 11, 1051 (2020). https://doi.org/10.1038/s41467-020-14888-8
Jones, M. R. Le temps, notre dimension perdue : vers une nouvelle théorie de la perception, de l’attention et de la mémoire. Psychol. Rev. 83, 323-355 (1976).