Modulation tonique, émotions et relations sociales

par | Avr 2023 | Développement moteur

La tonicité joue un rôle très important dans notre quotidien, et notamment dans notre relation aux autres. C’est la thèse défendue par Benoît Lesage, médecin du sport, formateur en psychomotricité et danse-thérapie, dans un article paru dans la revue STAPS en 2021.

Trop souvent considérée comme une simple donnée corporelle, la tonicité est pourtant un rouage essentiel qui nous permet d’interférer, et d’adapter de manière subtile nos échanges avec le monde qui nous entoure.

Comment le tonus musculaire peut-il nous aider à interagir avec notre environnement et moduler nos relations ?
Peut-on l’améliorer lorsqu’il est altéré ?

Le tonus musculaire, une notion très concrète

La tonicité concerne ce qui est en lien avec le tonus. Dans notre quotidien, lorsque nous évoquons le tonus, c’est souvent pour parler d’une baisse d’énergie, d’un manque de tonus…
En latin, le mot “tonus” est utilisé pour qualifier ce qui est en tension, ce qui peut se tendre : un ligament, un muscle, une corde… Le tonus, ce n’est pas l’activité musculaire en soi, mais ce qui va, permettre la mise en mouvement et la soutenir sous différentes modalités : élasticité, énergie brusque, douceur, changement de rythme ..

En psychomotricité, on distingue trois niveaux toniques différents :
– Le tonus de fond : c’est la tension permanente qui anime notre corps au repos. Elle est permanente, involontaire et induit notre posture générale. Chacun possède un tonus de fond différent. Il conditionne la façon dont nous nous tenons, tout en étant le lieu d’expression de nos émotions et de nos affects.
– Le tonus postural : c’est le tonus qui nous permet de maintenir notre corps dans une certaine position donnée. Il est involontaire et fait appel à nos réflexes, à notre proprioception et à nos capacités physiques.
– Le tonus d’action : c’est le tonus au sens plus mathématique et physique du terme. En lien avec notre développement neurologique, le tonus d’action caractérise le degré de tension de nos muscles, capables ou non de répondre à une sollicitation motrice.
Ces trois niveaux de tonus se complètent et sont évalués par les professionnels de santé avec des tests différents.
Comment se manifeste notre tonicité au quotidien et à quoi sert-elle ?

La tonicité et le dialogue chez le nouveau-né

Dans son article intitulé « Écologie et corporalité : habiter corporellement le monde »*, Benoît Lesage revient sur la notion de tonicité, en précisant que le tonus nous permet de construire notre relation à l’autre. Dès ses premières minutes de vie, le nourrisson va manifester son inconfort et ses besoins, principalement en faisant varier sa tonicité.
Dans les bras de ses parents ou des personnes en qui il a confiance, le nouveau-né se laisse aller. Il observe, sent, ressent le niveau tonique de celui qui le porte. S’il ne se sent pas en sécurité ou qu’il souhaite exprimer un inconfort, il se raidit ou se contracte : c’est le « dialogue tonique ».
Le psychologue français Henry Wallon a été le premier en 1930 à définir le dialogue tonique comme « le lien entre le tonus musculaire et l’état émotionnel ».
En 1977, poursuivant sur cette voie, le neurologue et psychanalyste espagnol, Julian de Ajuriaguerra, considéré comme le fondateur de la Psychomotricité, initie le concept de « dialogue tonico-émotionnel ».

Un dialogue constant avec le monde

Bébé, enfant et adulte, nous continuons tous à faire varier nos états toniques, même lorsque nous avons accès à d’autres modes de communication. Nous sommes des corps toniques évoluant parmi d’autres corps toniques avec, pour chaque nouvelle sollicitation, un autre manière d’habiter, de nuancer, de réajuster nos émotions motrices.

La tonicité n’est donc pas une simple caractéristique physique ou physiologique, mais bien une idée plus large, liée aux affects, une clé de communication. Benoît Lesage nous précise dans son article que nous « habitons corporellement le monde », parce que cette tonicité est un élément majeur de notre rapport aux autres et à notre environnement. Il écrit dans son article :
« Nous continuons à engager notre tonicité pour signifier, nous engager, offrir, repousser, détourner. La posture, signature tonique très personnalisée, caractérise chacun de nous. Nos proches nous identifient grâce à notre façon de nous tenir, qui conditionne nos façons de bouger. »

Au quotidien, notre tonicité envoie des informations à nos interlocuteurs. Elle est à la fois une construction, un soutien et un moyen d’interaction. « La tonicité s’impose donc comme fonds d’une relation soi-monde. » conclue-t-il.

Tonicité relation

Et quand la tonicité n’est pas optimale ?

Benoît Lesage rappelle que la tonicité est propre à chaque situation, et qu’elle n’est pas toujours consciente.

Pourtant, lorsque cette dernière est altérée, on constate un manque de conscience corporelle qui peut rapidement compliquer l’organisation spatiale du sujet. Les professionnels de santé qui entourent ces patients en difficulté vont pouvoir proposer des exercices quotidiens pour aider à conscientiser et à réguler cette inadaptation.

Il est en effet possible de parvenir à améliorer sa tonicité lorsqu’elle n’est pas en adéquation avec notre quotidien, nos gestes, nos besoins, notre image, nos échanges.
Le Brain Ball, méthode de jonglage coopératif, rythmique et musical, permet de revisiter cette notion afin de mieux l’apprivoiser et de la réguler de manière socialement pertinente.

Lorsque l’on pratique le Brain Ball, le contrôle tonique est constant, sans quoi les échanges de balles ou de sacs lestés, notamment en version collective ne sont pas adaptés.
Écouter, regarder, compter, vérifier que l’on est bien en rythme avec ses partenaires, garder son équilibre, doser sa force… chacun réalise simultanément tout un ensemble d’opérations mentales, motrices et sociales, articulées les unes aux autres, qui permettent petit à petit de renforcer la confiance en ses capacités.

Régis PAUTONNIER  nuancier tonique

Noémie

Rédactrice pour le Blog Brain Ball

En savoir plus

Lesage, B. (2021). Écologie et corporéité : habiter corporellement le monde. Staps, 132, 73-82. https://doi.org/10.3917/sta.132.0073

Le temps qui passe, une notion associée au mouvement et à l’environnement
Le temps qui passe, une notion associée au mouvement et à l’environnement
Le temps qui passe, une notion associée au mouvement et à l’environnemen
®
Loading...