Optimiser les apprentissages moteurs en EPS grâce à la Coopération
Les pédagogies coopératives sont reconnues et utilisées depuis longtemps par la communauté éducative pour leurs bienfaits sur le développement des compétences sociales chez les élèves. Mais qu’en est-il des autres compétences, et notamment des apprentissages moteurs ? Sont-ils également améliorés par les situations coopératives ?
C’est la question que se sont posées deux chercheurs spécialisés en Sciences du Sport et de l’Éducation physique. Dans une récente étude, elles ont cherché à mesurer l’impact des situations coopératives sur l’acquisition des gestes moteurs. Les résultats sont intéressants…
Coopération vs Compétition
En Éducation Physique et Sportive (EPS), les situations coopératives et compétitives représentent deux approches pédagogiques distinctes, chacune influençant différemment les dynamiques de groupe et les apprentissages des élèves.
> Les situations compétitives impliquent généralement un cadre dans lequel les participants s’affrontent pour atteindre des objectifs individuels, avec des résultats souvent déterminés par des performances comparatives. Ce type de situation met en place une relation de concurrence entre les élèves.
> À l’inverse, les situations coopératives visent à promouvoir la collaboration entre les participants, les incitant à travailler ensemble pour atteindre un objectif commun. Selon la théorie de l’interdépendance sociale, les tâches coopératives établissent des relations d’interdépendance positive: un but commun est assigné, et les résultats individuels sont positivement corrélés. *
Le choix entre ces approches dépend des objectifs pédagogiques spécifiques que l’on souhaite atteindre.
Décryptage de l’étude menée par la chercheuse S. Chiviacowsky
La connexion avec l’autre est un besoin psychologique fondamental de l’être humain. C’est en partant de ce principe que les chercheuses Angelica Kaefer et Suzete Chiviacowsky, toutes deux affiliées à l’Université fédérale de Pelotas (UFPEL, Brésil), ont décidé de se pencher sur la coopération dans les mécanismes de l’apprentissage chez des adolescents. En quoi le fait de se sentir en relation avec l’autre plutôt qu’en opposition peut-il aider un jeune à progresser ?
Elles ont alors mené une expérience sur 48 adolescents d’âge moyen de 15,4 ans. Les adolescents n’avaient pas été mis au courant des objectifs de l’étude et n’avaient pas de compétences particulières dans la tâche demandée. L’objectif de cette expérience était de vérifier les effets – et l’existence – des contextes d’entraînement structurés coopératifs et compétitifs sur les performances motrices et l’apprentissage des jeunes.
Le premier jour de l’expérience, trois groupes d’adolescents se sont entraînés à frapper une balle dans une cible à l’aide d’une raquette. Ils étaient placés deux par deux. Le premier groupe poursuivait un objectif de coopération (« COO » – résultats additionnés à la fin), le second un objectif compétition (« COMP » – l’un contre l’autre) tandis que le troisième (« Groupe témoin ») pouvait choisir librement son mode de jeu. L’apprentissage a été testé individuellement dès le lendemain (jour 2) puis, des tests et des questionnaires ont permis d’évaluer leurs progrès et leurs sentiments.
Les résultats sont sans appel !
Le groupe « compétition » a vu les effets positifs liés à la mise en relation diminuer, tandis que la coopération a permis d’améliorer les performances des adolescents du groupe COO. Ils ont obtenu de meilleurs résultats de précision, pour une émulation plus importante et une envie de progresser.
Les témoignages des jeunes ont aussi souligné l’importance de la relation sociale pour les performances motrices et l’apprentissage moteur. La coopération a permis d’augmenter la motivation intrinsèque des participants, leur sentiment d’auto-efficacité, leur affectivité positive par rapport aux deux autres groupes !
L’étude se conclut sur ces mots :
Les autres bienfaits prouvés de la coopération
L’amélioration de la motricité n’est pas le seul bienfait de la coopération. Depuis quelques années, différentes études ont tenté de montrer que les tâches effectuées en partenariat avec d’autres individus enclenchent de nombreux mécanismes dans notre cerveau. Les exercices collectifs, de danse, de jonglage, de chant, effectués en groupes, avec pour objectif une réussite collective, ont de nombreux impacts positifs prouvés !
• Plusieurs études ont par exemple montré que la coopération agit sur la motivation des personnes de tous âges (Gonzalez & Chiviac), (Gonzalez & Chiviacowsky, 2018 ; Kaefer & Chiviacowsky, 2021) avec une motivation bien plus importante à plusieurs que seul, pour des résultats plus efficaces.
• Les exercices collectifs renforcent aussi le sentiment d’appartenance à un groupe et agissent sur notre impression d’être utile au monde, avec une libération de dopamine (Aarts et al., 2012) !
• Elles permettent aussi aux sujets d’augmenter leur contrôle cognitif et leur flexibilité, particulièrement utile pour la résolution créative problèmes (Ashby et Isle, 2012).
• La coopération consolide et renforce la mémoire, en imposant au cerveau l’impression de traces mémorielles associées à l’apprentissage en groupe (Wise, 2004).
• Si la coopération est un élément moteur de progrès et vecteur d’ouvertures, elle nécessite également une certaine flexibilité et une adaptation des comportements. Les individus les plus compétents dans une tâche ont tout intérêt à s’adapter aux autres et à adopter une posture de pédagogue. Ce faisant, ils deviennent membres d’un échange bénéfique à tous.
En conclusion, les avantages indéniables de la coopération pour les élèves dans le domaine de l’éducation physique et au-delà témoignent de son rôle essentiel dans le développement global des apprenants. Dans le contexte de la recommandation des « 30 minutes d’activités physiques par jour à l’école« , la méthode Brain Ball se profile comme une activité bénéfique. Elle permet non seulement de répondre à ces recommandations en engageant les élèves dans des activités physiques, mais elle va plus loin en favorisant la coopération, renforçant ainsi l’expérience éducative dans son ensemble.
En savoir plus
Kaefer, A. & Chiviacowsky, S. Cooperation enhances motor learning. Hum. Mov. Sci. 85, 102978 (2022). https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0167945722000586
* Yannick Le Briquer. Influence de la compétition et de la coopération sur les acquisitions pour des élèves de collège au sein d’une situation complexe en natation de vitesse. Education. 2013. Dumas-00975376